- Lieutenant Léon Bourjade
Nationalité française
- Breveté pilote militaire le 17 juin 1917 (brevet n°7070)
- Cité dans le communiqué aux armées du 25 juillet 1918
- Escadrilles SPA 152
- Né le 25/05/1889 à Montauban
- Mort le 22/10/1924 à Papouasie-Nouvelle Guinée (Mort naturelle)
Décorations
- Chevalier de la Légion d’Honneur
- Médaille Militaire
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Croix de Guerre
13 palme(s)
1 étoile vermeil
Profils
Léon Bourjade
Le moine soldat
27 victoires sûres (dont 26 drachens), 4 victoires probables
Palmarès détaillé »
Jean Pierre Marie Léon (prénom d’usage) Bourjade naît le 25 mai 1889 à Montauban, dans une famille nombreuse de catholiques pratiquants dont il est le 6e enfant. Son père est comme son grand-père contrôleur aux impôts et la famille vit dans une grande maison située sur un coteau de l’Aveyron sur la commune de l’Honor-de-Cos près de Montauban.
Le jeune garçon est élevé dans la tradition catholique voire monarchiste et se révèle doué en gymnastique. Il se montre d’un tempérament plutôt timide et rêveur. Etudiant dans un collège catholique de Montauban, il va manifester son envie de devenir prêtre, et, influencé par les romans d’aventures de sa jeunesse, souhaite devenir missionnaire pour évangéliser les populations dites sauvages des îles lointaines. En 1907, bien qu’ayant réussi les épreuves écrites de son baccalauréat, il ne se présente pas à l’oral avec l’aval de ses parents pour devenir prêtre, ce qui suppose de partir effectuer son noviciat à l’étranger car les congrégations religieuses ont été expulsées de France suite à la politique anticléricale du gouvernement. Il part alors pour une congrégation en Espagne où il rejoint un de ses frères ainés qui s’y trouve déjà. Lors de sa première année il se prend de dévotion pour le récit de la vie de Sainte Thérèse de Lisieux et s’adressera à elle dans le journal intime qu’il tient. En 1909, il suit son institution religieuse qui déménage en Suisse où il y poursuit ses études jusqu’en octobre 1910 où il doit revenir en France effectuer son service militaire, au 23e régiment d’artillerie de Campagne à Toulouse où, en raison de son bon niveau d’éducation, il est nommé brigadier mais guère plus car ses supérieurs le trouvent d’un caractère trop fantaisiste. Libéré en 1912, il retourne suivre ses études religieuses en Suisse quand survient la guerre.
Il part immédiatement au front et va participer aux premiers engagements, dont la bataille de la Marne au terme de laquelle il est promu maréchal des logis et chef de pièce dans une batterie de canons de 75. En février 1915 il est affecté à une section d’artillerie de tranchée, les crapouillots, et va connaître l’enfer des premières lignes où il est souvent bombardé, y compris par l’artillerie française, et quelquefois enterré. Il en réchappe à chaque fois et attribue sa chance à l’intervention de Sainte Thérèse de Lisieux. Participant à la bataille de Verdun, il est promu sous-lieutenant et muté au 59e régiment d’artillerie avec lequel il se bat dans la Somme jusqu’en octobre 1916.
Il se porte alors volontaire pour l’aviation dans le but de pouvoir utiliser l’avion après la guerre quand il sera missionnaire en Océanie. Sa demande est acceptée et il part en école de pilotage en mars 1917 pour en sortir en septembre suivant, en étant affecté à l’escadrille N 152 stationnée dans les Vosges près de Belfort, sur chasseurs Nieuport 24 et 27.
Jugé par sa hiérarchie comme étant un pilote assez moyen, le jeune prêtre novice, qui dans son journal intime confie toujours ses peines à Sainte Thérèse de Lisieux, est assez isolé dans son escadrille où sa foi religieuse est loin d’être partagée par ses camarades, ni par son chef d’escadrille qui n’apprécie pas le fanion du sacré cœur qu’il fait fixer sur son Nieuport. Il livre ses premiers combats dans un froid polaire sur les forêts des Vosges, et découvre le 20 février 1918 lors d’une patrouille un Drachen ennemi qu’il décide d’attaquer mais qu’il ne parvient pas à incendier. Sa première victoire homologuée est obtenue le 27 mars 1918 et Sainte Thérèse de Lisieux est la première à en avoir le compte-rendu sur son journal : « Deux ans de séjour aux tranchées comme crapouilloteur m’avaient laissé des Drachen un souvenir si désagréable, que le jour où je vis s’effondrer en flammes ma première victime, c’était mieux qu’une victoire, une revanche ! Trois fois en quelques jours, attiré par ce gros gibier, l’inexpérience, le trac aussi, m’avaient fait échouer. Je commençais le tir de trop loin et ma mitrailleuse s’enrayait. Quoiqu’un peu refroidi, je n’attendais qu’une occasion pour recommencer. Elle se présenta bientôt. Ce jour-là, cinq Nieuport patrouillaient de Munster à Thann. Un superbe ballon faisait le guet en bas, assez loin, à dix kilomètres environ. J’étais en queue du groupe et ruminais attentivement mon attaque. Déjà nous avions dépassé la saucisse. L’observateur, un moment en alerte, avait dû reprendre son réglage ou sa surveillance des tranchées. Sans trop me détacher des autres, je reste à la traîne, j’oblique insensiblement, puis d’un coup, je plonge, je pique, je tombe droit sur ma proie. C’est une rude minute. Je sens de violents chocs dans ma poitrine, je n’entends plus mon moteur, mais, seul, le sifflement de la chute. A droite et à gauche, j’observe à la hâte mes ailes : rien d’anormal. Le compte-tours ? Oh ! Le régime de rupture. Vite un coup sur la commande du moteur. L’altimètre descend, mais trop lentement à mon gré. Et la saucisse ? Elle est là, bien en dessous. J’approche. Elle grossit très vite. Attention ! Zut ! Ma mitrailleuse n’est pas embrayée. Vlan ! Ça y est d’un grand coup de poing. Ta ca ta ca, ta ca ta ca… Sans viser, je tire. Le ventre décoré de de sa croix noire, l’énorme peau absorbe ma gerbe à bout portant. Maintenant, demi-tour, et à pleine sauce… Mais restons calme. Trop de hâte pourrait tout perdre. De toute la force de mes sens, j’observe ma machine. Le moteur ronfle à souhait. Sur les cadrans, tout va bien. L’altimètre me tranquillise. Je suis à 700m. Et elle ? Ratée ? Cependant j’ai failli rentrer dedans ! Mais non. Elle y est ! Quelle joie… Un petit point rouge se montre qui, très vite, grandit, et tout s’effondre en flammes…
Je file. Mon regard fouille partout, au-dessus, devant, derrière, à droite, à gauche. Pas le moindre point noir. Les balles lumineuses des mitrailleuses allemandes arrondissent trop bas maintenant leurs trajectoires. Quelques obus craquent, mais le pointeur n’est sûrement pas un as. C’est égal, le retour est rudement plus long qu’à l’aller ! Cette fois cependant, tout se passait bien. Il n’en fut pas toujours de même. Pour le chasseur de Drachen, ce moment-là est le plus dur. Plus d’un dut se jurer alors qu’on ne l’y prendrait plus. »
Un second Drachen descendu le 3 avril lui éloigne les ennuis avec sa hiérarchie qui ne s’oppose plus au port de l’insigne du sacré-cœur ni au portrait de Sainte Thérèse de Lisieux qu’il fera fixer sur le fuselage de son SPAD. Profitant pleinement d’un stage de tir à l’école de Cazaux entre les mois de mai et juin, son score composé quasi-exclusivement de Drachen va dès lors régulièrement augmenter quand son escadrille va quitter les Vosges pour le centre du front où les combats sont intenses. Il met au point une tactique d’attaque consistant à piquer à la verticale sur le Drachen pour se protéger un minimum de la DCA. Cité au communiqué aux armées le 23 juillet 1918, son nom commence à circuler dans les journaux où on le surnomme « l’as abbé », des publications mentionnent qu’il bénit ses ennemis avant de les attaquer, et qu’il choisit les Drachen pour ne pas tuer d’ennemis. Une affirmation qu’il tient à démentir, en écrivant au journaliste aéronautique Jacques Mortane que « Plusieurs fois, dans les journaux, parut une interprétation de mes sentiments qui me surprit. Je n’ai jamais évité le moindre combat contre le Boche, que ce soit dans les tranchées ou en l’air, afin de ne pas verser le sang ennemi : quelle singulière idée du devoir me prêtait-on là ! » Terminant la guerre avec 27 victoires homologuées dont 26 Drachen (la presse parle de 28, mais son propre carnet de vol est formel), il est l’as des as français de sa spécialité, et même second au palmarès international derrière le belge Willy Coppens.
Démobilisé en 1919, il retourne en Suisse où il y est ordonné prêtre en 1921 mais ne se montre pas pour autant insensible aux honneurs car il va faire des démarches pour se faire attribuer la croix d’officier de la légion d’honneur pour ses derniers succès qui n’ont pas fait l’objet d’une récompense : la décoration lui sera remise par les autorités consulaires françaises en 1920.
Il va partir en novembre 1921 pour accomplir le rêve de sa vie : devenir missionnaire en Nouvelle-Guinée. Il y découvre une situation quelque peu différente des lectures de sa jeunesse. Si les indigènes Roro ne sont pas les cannibales de son imaginaire, le climat tropical et les fièvres qu’il véhicule sont bien là. Boujade se donne à la tâche avec ardeur et y est décrit par ses camarades missionnaires comme d’un caractère réservé. Les indigènes le surnomment « le veuf ». Touché par les fièvres tropicales durant l’été 1924, sa santé se dégrade et il rend l’âme le 22 octobre 1924 dans sa mission de l’île de Yule où les autorités australiennes lui rendront les honneurs militaires.
Sources
- Etat civil
- Dossier militaire SHD
- Presse nationale et australienne